Ça devait arriver…

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Le service américain Scribd proposait depuis octobre 2013 une offre d’abonnement de type « all you can eat » au prix de 8,99 $. À partir de mars, l’offre ne sera plus illimitée, annonce aujourd’hui Scribd sur son site. Comment en est-on arrivé là ?

Le catalogue, constitué au début de livres auto-publiés et de petits ou moyens éditeurs, s’est beaucoup enrichi au fil du temps grâce à l’arrivée de 3 des 5 majors américaines (HarperCollins et sa filiale Harlequin, Simon & Schuster, Macmillan) et plus récemment des principaux éditeurs de comics et d’audiobooks.
Fort de cette offre toujours plus attractive, Scribd a recruté de nombreux clients, et les a fidélisés grâce à une expérience utilisateur irréprochable. L’arrêt de son concurrent Oyster en septembre 2015 à contribué à renforcer sa position sur le marché américain, où seul Amazon avec Kindle Unlimited lui fait face aujourd’hui. Le sobriquet trop vite attribué de « Netflix du livre » n’est donc plus usurpé.
Mais tout à un prix. Les contrats signés avec les grands éditeurs sont très favorables à ces derniers : je me suis laissé dire qu’à partir de 10%, un ebook est réputé lu, et 70% de son prix public (souvent situé entre 7,99 $ et 12,99 $) doit être reversé à l’éditeur. Ce qui signifie qu’un client de Scribd lui faire perdre de l’argent s’il lit plus d’un livre par mois dans cette catégorie. Certes le système est moins généreux avec les plus petits ayant-droits. Certes de nombreux lecteurs n’abusent pas de ce « buffet à volonté » et consomment raisonnablement. Certes le prix public des livres les plus lus se situe plutôt en dessous de 5 $. Il n’empêche que la décision prise aujourd’hui par Scribd montre que son modèle économique initial n’était pas soutenable en l’état, car 3% de lecteurs insatiables menacent en permanence l’équilibre général du système, et donc… sa trésorerie.
Qui sont ces 3% ? Scribd ne nous le dit pas mais on peut supputer qu’ils s’agit de lectrices régulières de romans sentimentaux dévorés en une soirée, et dont Harlequin (sus-cité) est justement le plus gros pourvoyeur. Le genre d’éditeur dont on ne peut se passer dans un tel service, mais qui peut « brûler votre cash » à la vitesse d’un incendie de forêt californien.
Scribd a donc décidé de « sacrifier » ces 3% pour survivre et conserver les autres.
D’autres options stratégiques étaient envisageables : augmenter le prix, ou le moduler en fonction de la consommation réelle ; créer des offres d’abonnement par genre ; renégocier certains contrats…
Scribd a préféré faire simple, en maintenant son prix unique tout en limitant l’offre à 3 livres par mois (auxquels s’ajoute un  accès illimité à la sélection que fera mensuellement l’équipe dans le catalogue de fond). La start-up prend ainsi un virage habile, qui devrait lui permettre de préserver l’essentiel de son chiffre d’affaires en maîtrisant ses dépenses. Reste à savoir si la promesse commerciale sera toujours aussi attractive, et si le service poursuivra sa courbe de croissance. À suivre…

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