Livres Hebdo est coutumier d’une certaine langue de bois qui sied à toute revue professionnelle vivant en partie de la publicité. Ils ont pourtant le plus grand mal à défendre le bilan du Salon du Livre… pardon, de Livre Paris 2016 : « Livre Paris 2016 : succès de la programmation mais fréquentation en baisse ».
Bravo pour la rhétorique. La baisse de 15% de la fréquentation serait donc principalement imputable au contexte géopolitique et aux « contraintes de vigie pirate » (sic) ? Heureusement, cet article comme le suivant donnent la parole aux petits et moyens éditeurs, qui flinguent tous azimuts :
- Prix d’entrée à 12 euros si on le malheur d’avoir plus de 18 ans (si si…)
- Nouveau, l’obligation de laisser les livres au vestiaire, au cas où les visiteurs auraient le culot de se faire dédicacer un livre acheté par ailleurs (vous ne rêvez pas). Avec une liseuse, pas de problème 😉
- Matinée professionnelle raccourcie et déplacée du lundi (jour de fermeture des libraires de Province, ce qui leur permettait de venir au Salon) au jeudi matin de 10h à 12h. J’y étais et je peux vous assurer qu’un candidat au suicide y aurait trouvé toutes les raisons d’en finir…
On ne s’y prendrait pas autrement si l’on voulait démontrer que le livre est un produit de luxe et que l’édition reste le domaine réservé de la bourgeoisie parisienne. Populaire, pourquoi pas, mais sans le populo.
Le relookage et le changement de nom ne parviennent pas à masquer un cruel manque d’imagination, et le repli sur soi d’un système à bout de souffle.
Ce bilan crépusculaire va de pair avec un retrait des acteurs du numérique : la suppression de la « zone digitale » et les propositions tarifaires exorbitantes des commerciaux de Reed expo ont découragé (intentionnellement ?) les plus fidèles : au revoir Numilog, Bookeen, Dilicom, Kobo, Youboox et les start-ups qui venaient présenter leurs innovations. Un recul qui permet au Syndicat national de l’édition, commanditaire de la manifestation, de tenir son discours lénifiant sur la « résistance du papier », le poids marginal du numérique dans l’économie du livre, etc. Ce qui n’est pas à Livre Paris n’existe pas. Logique autocentrée d’une profession qui se sent menacée par toute forme d’innovation. En fait, on retrouvera certains de ces pure players en octobre à la Foire de Francfort, sans doute encore plus coûteuse mais beaucoup plus rentable.
Restent à Paris, ville de Province de l’édition mondiale, quelques herbes folles dans le coin nord-ouest du Salon. Jeunes et courageuses pousses de l’auto-édition comme Librinova, de l’impression à la demande comme Sobook, de la lecture « sociale » comme Glose, qui viennent dépenser les restes de leurs levées de fonds pour se faire connaître du grand public et de la presse. Avec un certain succès d’ailleurs, puisque les journalistes en mal de scoop ont préféré les interroger plutôt que de tendre leur micro dans les files de dédicaces. Les marronniers finissent par sentir le sapin.
Eh bien figurez-vous que certains s’en offusquent, comme Augustin Trapenard, pourfendeur de l’auto-édition qui n’aurait pas sa place dans un Salon où l’on devrait défendre « les métiers de l’édition ». On l’aime beaucoup Augustin, il promeut l’écrit avec ferveur, mais ces arguments à la Jean-Pierre Pernaut ne sont pas dignes d’un hipster comme lui. C’est la lecture qu’il faut encourager et démocratiser, sous toutes ses formes, même si la grande littérature n’y trouve pas toujours son compte, du moins au début. Qui sait si le futur Proust n’est pas aujourd’hui auto-publié chez Librinova ? Qu’en savez-vous, @Atrapenard ?
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Autant la première partie sur le côté populaire est intéressante, autant l’éloge des entreprises d’auto édition est discutable… Car que font réellement ces boîtes, à part se faire du fric sur le dos des auteurs sans prendre aucun risque financier ni faire un travail d’éditeur ?
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